L’EUPRAXIS : Pratique harmonieuse…
« NOUS FAISONS DES RÊVES ET NOS RÊVES SONT FAITS DE NOUS » Louise Bourgeois
Depuis 2010, Michel Dubret et Jean Jacques Le Testu développent des principes pédagogiques qu’ils nomment EUPRAXIS-METACOGNITIVE : « En premier lieu, c’est une direction, un objectif vers lequel il faut tendre… réintroduire la notion de plaisir dans l’acte d’apprendre et cultiver les énergies vivifiantes qui le constituent. En second lieu c’est partager aussi cette connaissance acquise, provisoire, la vérifier et la transmettre à l’autre, puis accéder et partager l’accès à ce deuxième plaisir, celui de comprendre un peu et de rendre ensemble plus intelligible le monde… ».
La jubilation de découvrir…
Nous avons appris par nous-mêmes à marcher et à parler pour répondre à un besoin ressenti d’autonomie,
et il y a une dimension jubilatoire dont il faut raviver la mémoire, dans l’acte de découvrir et d’apprendre par notre propre expérience engagée dans un rythme qui nous appartient…
L’apprentissage scolaire imposant un rythme et un classement en fonction de l’âge, a largement entamé cette jubilation pour beaucoup, car les grandes différences inhérentes à chaque individu sont souvent niées au profit de performances attendues trop tôt… L’inquiétude, la mauvaise considération de soi-même, la peur ont pu se substituer à cette envie de découvrir, ce besoin naturel de vouloir comprendre !
Réintroduire la notion de plaisir dans l’acte d’apprendre ne peut s’engager si on ne réhabilite pas la valeur du travail librement consenti ! Le travail choisi n’est pas aliénant, il peut être l’occasion de déplacer les limites de ses compétences, de son efficience et ce faisant, participe à la construction de soi…

Le travail choisi ne produit pas seulement de la fatigue mais de l’énergie… et de la confiance.
Dans les motivations qu’il peut y avoir pour un adolescent à faire des études en vu d’un métier à venir, il y a une idée confuse et inavouée parfois, celle qui consiste à croire que les diplômes pourraient nous soustraire à la tyrannie supposée du travail, et qu’être diplômé c’est pouvoir un jour, faire travailler les autres à notre place…
Cette dévalorisation de l’effort pour celui qui devrait pourtant en comprendre l’expérience, peut l’amener à des stratégies d’évitement aussi dépensières en énergie que le travail lui-même et sans la plus-value du bénéfice !
Cela aboutit aussi à des postures de « simulation » à la longue coûteuses en perte d’estime de soi et en crédibilité sociale.
Si le travail peut être source de fatigue, le plaisir de l’expérience accomplie et de la découverte peut être en retour une source d’énergie nouvelle prête à être mobilisée pour de nouveaux engagements.
Aussi le paradoxe pour celui qui tente toujours de contourner l’évidence du travail à fournir est au final une dépense importante d’énergie mal organisée et trop tardive car se privant de l’accompagnement des professeurs, et cela pour un résultat final toujours médiocre et frustrant.
La rationalité, la logique devraient nous conduire à des choix d’efficacité ! Aider à comprendre ce qu’il y a de paradoxal entre les buts poursuivis et les moyens insuffisants mobilisés par l’étudiant pour y parvenir, c’est lui demander d’être avec tendresse l’observateur de ses propres contradictions et de percevoir dans la confusion de ses émotions même, sa part de responsabilité engagée dans ses échecs et dans sa perte de cohérence…
EUPRAXIS-META-COGNITIVE : Un savoir intégré
Au delà de la connaissance, un savoir appliqué à soi-même comme sujet s’apprenant
« LE DOUTE EST UN HOMMAGE RENDU à L’ESPOIR » Lautréamont
« Habitués que nous sommes à jouer avec la duplicité de notre esprit et ses chimères spéculatives, nous nous trompons sur nous-mêmes, sur ce que nous faisons, voulons, perdons. Aussi le risque de trouver hors de nous, la responsabilité ou les excuses de nos échecs est grand. Il est grand aussi le risque de ne plus entreprendre, de ne plus vouloir, de ne plus essayer… Entreprendre la connaissance de soi, s’initier à la création de soi, c’est comprendre l’échec et les ratages comme inhérents à tout acte d’apprentissage, de découverte et de recherche réelle, c’est accepter la succession d’échecs qui nous appartient en propre, dont la compréhension pourra rendre plus intelligible nos contradictions et cela faisant, participer à leurs libérations ! »
Jean-jacques Le Testu – 2006
L’eupraxis Métacognitive
A pour but de favoriser chez la personne une prise de conscience des contradictions entre ses objectifs scolaires et les stratégies mises en place par lui pour les réaliser.
Cette saisie raisonnée des mécanismes décisionnels conscientisés faite en temps réel par l’étudiant est de nature à lui permettre de saisir et corriger des impulsions principalement émotionnelles en contradiction avec ses intérêts personnels et en les soumettant à un examen réfléchi de nature logique.
La liberté du sujet est une condition d’émergence de sa responsabilité…
Plus la liberté de l’étudiant est contrôlée, plus il peut vouloir trouver des responsabilités en dehors de lui-même et au final se victimiser. Il peut donc à l’infini reproduire les mêmes échecs dont les causes sont toujours vécues par lui comme étrangères à sa volonté.
Plus l’élève est libre de ses choix, plus il peut comprendre lui-même l’incohérence de ceux-ci lorsque les résultats de son travail sont en contradiction avec ses objectifs énoncés et ses résultats attendus.
Cette mise en responsabilité n’est pas facile à vivre car elle bouscule l’ego, mais favorise une remise en question.
Une prise de conscience assumée l’amènera dans un souci de cohérence, à ajuster ses efforts aux exigences de son projet scolaire ou à réorienter son projet en fonction de ses dispositions.
L’important est qu’il soit l’acteur de ses choix, qu’il en assume les conséquences et qu’il ne les vive pas comme imposés de l’extérieur, mais découlant de ses actes, premiers pas vers l’acquisition progressive d’une autonomie raisonnée.
L’expérience de la liberté et des responsabilités qui en découlent est un processus progressif auquel il faut pouvoir donner du temps, et c’est un des enjeux fragiles de l’adolescence qui, plus que l’âge normé des 18 ans, détermine la possibilité du passage accompli à l’état d’adulte.
L’expérience de la liberté ce n’est pas le rejet de toutes contraintes, c’est l’intégration des contraintes acceptées et comprises comme moyen étayant notre propre construction, puis choisies et exercées volontairement comme outils d’émancipation.
Notre personnalité est un chantier en construction.
« le respect absolu de la liberté de l’autre peut amener à totémiser son hypothétique « Nature » et l’enfermer dans une donnée perçue comme indépassable » Philippe Meirieu.
ll peut arriver que certains adolescents pronostiqués neuro-atypiques : Hpi, Dys, Tda, Tdah et troubles associés, aient vécu ces diagnostics secrètement comme des autorisations implicites à ne pas fournir l’effort attendu et nécessaire dicté par leur projet scolaire. Cela contrairement à d’autres qui tentent d’utiliser les outils qu’on leur propose, qui recherchent et élaborent des solutions personnelles à leur situation et qui sollicitent notre aide.
Nous observons toujours avec étonnement les très grandes capacités de transformation, de changement physique mais surtout aussi de maturité pendant les 3 ou 4 ans de suivi de nos adolescents, et il nous appartient d’insuffler de la confiance en l’avenir, à ceux qui ne perçoivent pas leur potentiel d’adaptation et qui fusionnent leur difficulté à la part prépondérante de leur identité.
S’il faut appréhender et accepter davantage les différences de fonctionnement individuelles ainsi que les temps de maturité propre à chaque étudiant, en contrepartie celui-ci doit aussi accepter et comprendre que sa personnalité est un chantier en construction et que ce n’est pas nier son identité que d’attendre de lui une remise en question de ses modes de fonctionnement s’ils sont défaillants au regard de ses attentes.
S’il relève de la responsabilité de l’enseignant de désigner ces zones de défaillance, c’est dans l’attente que le sujet puisse le faire à son tour en testant d’autres modes d’actions plus appropriés à son projet.
il n’y aura pas de progrès durable sans développer ce regard sur soi amical mais exigeant garant d’une autonomie désormais en marche.
Le Testu jean jacques et Michel Dubret janvier 2025
